En ces temps de déconfinement où les lieux de culte rouvrent avant les théâtres (!), c’est hors des sentiers battus par les fans ou hors de toute chapelle qu’au Hall de la chanson, nous voulons chanter - plus que la commenter - l’admiration que nous vouons aux chansons d’Anne Sylvestre, emportée hier par les eaux du temps. La seule consolation réside sans doute dans cette oeuvre immense, tant par le style et l'inspiration que par le questionnement du monde et de la société qui s'y déploie. L'oeuvre d'une artiste qui, pour avoir compris en chemin l'importance de l'humour en chanson, n'a jamais sacrifié à la joie factice et forcée du showbusiness machiste. Témoin le portrait que nous avons choisi d'elle - pourquoi sourire si on n'en à pas envie ?

Comme un patrimoine vivant, ou plutôt un vif matrimoine, nous l’avons célébrée en sa présence, en 2017, pour marquer les soixante ans d'une carrière magnifique, et trop peu médiatisée. On la vit alors se prêter au jeu sérieusement, sans fausse complicité. Écoutant la jeunesse l’interpréter, elle déroulait pour nous toutes et tous, au fil de l’œuvre, ses propres commentaires...

Nous étions aussi remontés avec elle aux sources de son inspiration musicale, les cantiques (qui ont emprunté aux chansons tant d'airs, en un rituel païen et roturier), dans le spectacle Bêtes à bon dieu. 

Enfin avec Les Eaux sauvages, nous avons embarqué sur un des grands thèmes d’inspiration de son œuvre. Dans ces eaux, nous puisons aujourd'hui jusqu’aux  larmes, qu’elle voyait comme armes de la consolation, tant elle scrutait  l’âme humaine en tous ses versants. 

Anne, comme  nous le demande Une sorcière comme les autres, ta chanson, nous tenterons, dans notre profonde tristesse, de nous faire légers. Mais chère "porteuse d’eau",  combien c’est dur ! A toi notre prochaine grande création de spectacle et le nom de la prochaine promotion de notre école, pour porter haut l'oeuvre et l'aura de l'artiste géante et de la femme puissante que tu es.

Serge Hureau & Olivier Hussenet