Ce sont les paroles (et, le plus souvent, les musiques) de femmes créatrices du XX^e siècle qui constituent la totalité du répertoire de ce spectacle : un matrimoine encore trop souvent méconnu, mésestimé, mal transmis. D’elles à nous rassemble des chansons très différentes, des cabarets de la rive-gauche comme de la vague yéyé, de la première autrice-compositrice-interprète (Nicole Louvier, gagnant le Grand Prix de la Chanson de Deauville à 19 ans) comme de Marie Dubas (fantaisiste très célèbre dans les années 1930) ou Brigitte Fontaine. Un échantillon qui fait la part belle à l’œuvre d’Anne Sylvestre, œuvre consciente et poétique, qui a toujours refusé de soumettre son art à l'unique expression de son engagement féministe, cette artiste avait même écrit Chanson dégagée, une oeuvre qui répondait au diktat de la chanson engagée. La grande autrice-compositrice-interprète, toujours en prise avec son temps dès les années 1950 et jusqu’à sa disparition en 2020, a mis en mots et en musique aussi bien la dissymétrie des rapports femme-homme dans les sociétés patriarcales, le droit à l’IVG, le dérisoire des stéréotypes de genre, l’homosexualité, les difficultés à la fois quotidiennes et existentielles de toues les femmes dans toutes les situations, et en poursuivant toujours une recherche poétique et musicale tant singulière qu’universelle. Joies et douleurs, servitudes et liberté, angoisses et plénitudes, drôleries et tragédies : ce spectacle chemine dans les chansons de femmes qui mettent en forme l’aventure humaine. 

Cette nouvelle création, intitulée D’Elles à nous, a pour vocation d’explorer le matrimoine de la Chanson et de participer à révéler ce qu’il a à nous dire à toutes et tous, et pas uniquement aux femmes d’aujourd’hui. Car, s’il est primordial d’entendre enfin ce que les femmes créatrices adressent aux femmes (« Ils nous ont divisées, les femmes / Et de nos sœurs séparées » chante une chansons écrite collectivement en 1971, devenue l’hymne du MLF), il est urgent de mesurer l’universalité des chansons de femmes. Rien n’agaçait davantage Anne Sylvestre que le (faux) compliment plusieurs fois entendu à la sortie d’un de ses concerts : « Ma femme aime beaucoup vos chansons », qui sous-entendait que des œuvres de femmes ne pouvaient s’adresser qu’à d’autres femmes - elle qui répondait, amusée, à l’interrogation sur une éventuelle spécificité des écritures féminines : « Cela ne se situe pas au-dessous de la ceinture, vous savez… ». 

Le spectacle que vous allez découvrir est le fruit d’un travail collectif rassemblant quatre artistes, dont trois sont issues de la promotion « Anne Sylvestre » du TÉC - Lillie Daniel, Alexandra Lacour et Marine Torre -, et dont la quatrième est la sœur jumelle de l’une d’elle - Aurore Daniel-, dirigé par Olivier Hussenet (qui a créé un spectacle sur l’œuvre d’Anne Sylvestre - Les Eaux sauvages, et avait mis en scène le spectacle de l’autrice-compositrice-interprète Juste une femme au Casino de Paris) et Serge Hureau (qui a notamment mis en scène Anne Sylvestre dans Bêtes à Bon Dieu, a créé un spectacle sur l’œuvre de Barbara et avait conçu et interprété  l’inoubliable Gueules de Piaf dans toute la France il y a un quart de siècle). Aïk Lamouroux-Alayan en est le régisseur, en charge de la scénographie et de la lumière.